Comment s’épanouir dans sa vie sexuelle ?
Et si demain, je changeais de vie ? À cette question, Anne Bianchi, que nous rencontrons ici pour vous a répondu oui. Plongée au cœur de son quotidien de sexothérapeute et professeure de Kundalini. Entre désir, amour, confiance, intimité et pleine conscience. Inspiration.
ARTICLE – Atelier Nubio – 2023-02-01 – Photo ALIZEE BARBE
Anne Bianchi était l’invitée d’un de nos talks au Concept Store le 27 septembre.
Ancienne directrice de la rédaction du magazine féminin Be (2008-2014), tu as décidé de changer de vie pour reprendre des études de psychologie, enseigner le Kundalini et devenir sexothérapeute. Peux-tu nous en dire un peu plus sur toi, ton parcours et tes aspirations ?
J’ai une formation de journaliste et j’ai travaillé pendant 15 ans dans la presse féminine. Le dernier poste que j’ai occupé dans ce secteur, au sein du groupe Lagardère, était celui de directrice de la rédaction du magazine Be, un magazine pour trentenaires. Be a été en quelque sorte mon troisième enfant, j’ai porté ce projet, et créé une marque 360° qui allait bien au delà d’un simple magazine. L’idée de créer et de faire vivre une communauté rassemblée autour des centres d’intérêts communs était au cœur du dispositif. Je précise cela, car c’est totalement en lien avec ce que je fais aujourd’hui dans un autre domaine, le yoga, alors que souvent les gens pensent que mes deux vies n’ont rien à voir l’une avec l’autre. En réalité, je l’ai appris avec le temps, tout est relié, tout arrive pour une raison, et dans le timing qui est juste pour nous.
Il y a 4 ans exactement, j’ai quitté mon poste de direction et le monde de la presse pour…. RIEN. J’ai refusé des postes équivalents dans d’autres rédactions, et j’ai pris le temps de souffler après 7 années d’une vie excitante certes, mais très chaotique. J’étais vidée. Je me sentais à côté de ma vie, en dehors de moi-même. J’ai pris ce risque de l’inconnu, et fait ce saut dans le vide, non sans peurs et appréhensions. J’ai écouté ma petite voix intérieure et me suis fait confiance. Ce n’était pas facile. Matériellement et psychologiquement. Soutenue par ma pratique du yoga, de la méditation, du jeûne aussi, j’ai pris le temps de laisser émerger le nouveau.
J’ai repris des études de psychologie jungienne, puis je me suis formée chez INDIGO, une école de psychothérapie intégrative, en sexothérapie et Gestalt Thérapie.
Je me suis parallèlement formée au yoga Kundalini, yoga que j’ai découvert sur le tard mais qui est vite devenu essentiel à ma vie.
Je conjugue cette activité avec celle de sexothérapeute, les deux se nourrissent et s’enrichissent. Je suis également entrain d’écrire mon premier livre.
Quel est ton titre/comment définis-tu ton travail/ta pratique ?
Je suis professeure de yoga, sexothérapeute, et auteure. Aujourd’hui, je dirais que mon travail consiste à accompagner des gens et à transmettre. Je suis un peu comme une sage femme, j’aide les gens à accoucher. Non pas de bébés, mais d’eux mêmes, dans cette deuxième naissance – spirituelle – que l’on se donne à soi-même, après la première, charnelle, qui passe par notre mère.
Reçois-tu des couples en thérapie ? Que recherchent-ils ?
La problématique numéro 1 des couples en cabinet, c’est l’absence de désir, comment faire (re)vivre le désir au sein du couple. Ils recherchent ce qu’ils ont connu au début de leur relation, et qui est parti on ne sait où. Dans un trop plein d’intimité souvent, dans le quotidien… Le désir ne s’ordonne pas, ne se commande pas. Il est sauvage, il peut débarquer sans crier gare et on peut le convoquer de toutes ses forces sans qu’il pointe le bout de son nez. Son émergence est indépendante de notre volonté, mais on peut travailler dessus. Il y a des écueils à éviter, des choses à garder en tête, et bien sur, le travail corporel est essentiel pour rallumer le désir.
Depuis la rentrée de septembre, j’ai mis en place un atelier de Kundalini pour les couples, ou je fais travailler mes élèves en tantra, avec des exercices, des postures, des respirations, et des méditations, chantées ou non, qui se pratiquent à deux. C’est vraiment une voie que je souhaite explorer de plus en plus.
Comme je l’ai écrit dans la préface du livre de Guru Jagat, Kundalini Yoga, Pour une vie Invincible (Éditions First), il est temps que les hommes et les femmes inventent une nouvelle manière de vivre ensemble, sur un plan égalitaire, ce qui ne veut pas dire indifférencié, et qu’ils trouvent aussi d’autres modes de communication que la parole, apanage de nos sociétés intellectuelles. Je crois absolument au langage du corps, qui ne ment jamais…
Le tantra travaille sur les polarités, les grandes forces énergétiques qui nous constituent, nos deux énergies, masculine et féminine, afin de nous harmoniser, et faire de nous des êtres entiers, complets. De manière ludique et automatique, cela (re)crée de la connivence, de la complicité, un lien entre les deux partenaires. Cela ouvre un nouvel espace, c’est merveilleux de voir des couples pratiquer ensemble ! Quand on entre sur ce chemin du corps, on accède à un autre niveau de communication, plus subtile, extrêmement bénéfique pour les couples.
Quels conseils donnerais-tu aux couples qui souhaitent rendre leur vie sexuelle plus épanouie ?
Ne pas tout se dire – ce qui ne signifie pas ne pas communiquer attention !
On ne prend pas assez en compte les autres langages de l’intimité que le verbe… Les hommes par exemple, qui ont souvent plus de difficulté à parler de l’intime que les femmes, peuvent utiliser l’érotisme comme une façon d’exprimer la part de tendresse qu’ils portent en eux. Nous les femmes, nous sommes souvent en demande de paroles, on veut mettre des mots sur l’intime, souvent pour nous rassurer, ce qui peut mettre mal à l’aise beaucoup d’hommes… Et couper le désir.
Pour beaucoup d’hommes, le sexe est la seule langue possible pour appréhender l’intime. Donc, apprivoiser le silence. Se regarder dans les yeux, respirer consciemment ensemble, va venir ouvrir une autre voie en matière de sexualité. C’est la voie sacrée.
Je dirais aussi que conserver une part de mystère, et cultiver son jardin secret, est essentiel. Le désir nait de ce que l’on ne connaît pas, rappelez vous les débuts de votre histoire quand vous ne connaissiez pas tout de lui, ou d’elle… Souvent, et c’est l’effet boomerang pour beaucoup de couples qui s’aiment, la chute du désir est une conséquence non intentionnelle de l’intimité. Quand l’intimité vire à la fusion, il y a un excès de proximité qui peut entraver le désir. Le manque, la séparation sont de très bons ingrédients du désir, c’est le grand paradoxe du rapport entre sexe et intimité. Donc s’éloigner un peu, faire les choses de son côté, voir l’autre dans un autre contexte que celui du quotidien, peuvent agir comme des boosters de désir.
Enfin, pratiquer une activité agréable, relaxante, ensemble hors des tâches ménagères, des enfants, etc. est une bonne idée ! Une certaine mise en scène pour retrouver l’autre dans un différent contexte est souvent le piment qui manque au quotidien.
L’homme/la femme doivent-ils se définir des rôles (l’attaquant/celui qui se rend) ?
Pour moi, il n’y a pas une sexualité, mais des sexualités où l’on peut choisir un rôle à un moment donné, et en changer… Dans un couple, selon un concept que j’emprunte à Guru Jagat, une de mes enseignantes de Kundalini, il y a généralement un Giver, celui qui donne en français, c’est le plus expansif, le plus tourné vers l’extérieur des deux, et un Taker, celui qui reçoit. Dans ce schéma, un échange équilibré d’énergie se crée. Pour autant, dans la chambre à coucher, le Giver, souvent plus charismatique dehors, peut aimer être soumis, ou dominé, et inversement, le Taker, davantage dans l’ombre socialement, peut prendre le lead.
La sexualité est un espace où chacun doit pouvoir s’exprimer sans peurs, sans contraintes. Comme dans toute relation, cela nécessite confiance, respect et une dose de surprise, de jeu ! Il faut essayer des choses, rester ouvert et à l’écoute de son propre désir. Trop de femmes répondent aux désirs de leur partenaire, et pas forcément au leur ! Il pèse encore beaucoup de tabous sur la sexualité féminine. Mais les hommes ont leur lot aussi : ils portent souvent une obligation de performance qui peut être un frein à une sexualité joyeuse et épanouie.
En définitive, la sexualité est un terrain d’exploration, c’est la vie !
Les énergies/baisses d’énergie sexuelles /libido sont-elles définies par les genres (homme/femme) ? (j’ai lu que la femme devait travailler sur la libération et le flow des énergies – par ex danse libre, et l’homme sur la structure, la direction, la projection – qu’en penses-tu ?)
Non, ce n’est pas à une problématique de genre. L’absence de libido, le manque de désir touchent autant les hommes que les femmes… C’est plus inhérent à l’histoire du couple, à son fonctionnement, à la nature même du désir, qui est fluctuant et non linéaire. La chute du désir est souvent une conséquence non intentionnelle de l’intimité. L’amour a besoin de proximité, le désir de distance, nous dit Esther Perel, sexothérapeute et auteure extraordinaire, dans son livre, L’Intelligence Érotique.
C’est le mystère de l’autre, notre incapacité à le posséder totalement qui maintient le désir, l’excitation. Pour cela, il faut accepter de démanteler les systèmes de sécurité, résister à notre pulsion de contrôle, notre besoin d’être rassuré. Pour beaucoup, hommes et femmes confondus, hétérosexuels et homosexuels, transgenre, c’est un pas difficile à franchir. Peut –être que les femmes refoulent plus que les hommes, pour ne pas blesser, pour protéger, et peut –être que c’est plus difficile pour un homme d’être en contact avec ses émotions, sa sensibilité, son énergie féminine, mais je ne ferai pas de généralités. Je suis surprise tous les jours par les hommes que je rencontre, et qui viennent s’aventurer sur la voie du corps. Je les admire, et ils me touchent, car je sais que c’est moins facile pour eux que pour nous. Nos sociétés modernes, l’éducation, l’environnement professionnel, bien souvent basés sur une forme de domination masculine, cette fameuse Loi du Père, ne les y encourage pas. C’est une vraie démarche dans laquelle nous pouvons aujourd’hui nous retrouver, femmes et hommes, toute orientation sexuelle confondue, sur un plan d’égalité, et en finir enfin avec « la guerre des sexes ».
Dans ce rééquilibrage des forces en présence, qui doit d’abord passer par une reconnexion intérieure, individuelle, le Kundalini, qui travaille en permanence sur les deux énergies, masculine et féminine, est un outil magique, très complémentaire d’une thérapie de couple.
Vas-tu aider de la même façon les couples hétéro/homo ?
Il n’y a pas de différence quand on parle de choses universelles inhérentes à notre nature d’humain, comme la sexualité, le désir, les sentiments, les émotions ! J’aide les couples en fonction de leur problématique, pas de leur orientation. Je reçois des gens qui sont à un moment de leur vie ou ils sont vulnérables, fragilisés, en questionnement, au bout d’un cycle. J’essaie de leur faire prendre conscience qu’il y a toujours une ouverture, la possibilité d’une étincelle, un nouveau chapitre à écrire. Mes seules limites sont la peur ou le dégout, je ne travaille pas avec quelqu’un qui suscite chez moi l’une de ces émotions. Chaque thérapeute a ses qualités, son histoire, et aussi ses limites, d’où l’importance de se connaître et d’avoir soi-même vécu un maximum de choses.
On lit souvent que plus les couples sont proches et font le maximum de choses ensemble, moins leur vie sexuelle est réjouissante. Recommandes-tu de s’éloigner pour mieux se rapprocher ?
Oui !!! C’est ce que je dis plus haut. C’est le grand paradoxe entre intimité et désir. L’intimité a besoin de sécurité, le désir d’inconnu. Le défi pour les couples d’aujourd’hui consiste à réconcilier le besoin d’être rassuré avec celui d’excitation et de mystère, qui donne des papillons dans le ventre.
Le désir, c’est notre part sauvage, il se nourrit d’une saine agressivité, c’est l’envie de manger l’autre, de le griffer, de le mordre, il y a quelque chose de primitif qui s’exprime dans une sexualité épanouie.
Si tout est cadré, rangé, ronronnant, prévu, ça ne va pas faire d’étincelles !
Le yoga Kundalini est comme Anne l’indique étroitement lié à sa pratique de sexothérapeute. Pour continuer la lecture et enrichir ces propos, nous vous invitons à découvrir son interview sur le Kundalini, ses vertus et sa pratique.
Crédit photo : Flora Boidot